En 2021 dans les dunes d'Hatainville

L’érosion marine grignote nos rivages année après année. Chacun observe au quotidien l’évolution de la grève et le recul de la dune bordière…Et les assauts répétés des tempêtes et des coups de vents en toutes saisons influencent aujourd’hui fortement ces phénomènes d’érosion. Recouvertes par le sable volage, les dunes deviennent blanches.

Ici, le classement du site en 1974, puis l’intervention foncière du Conservatoire du Littoral, a permis de maitriser l’étalement de l’urbanisation, et de la contenir où traditionnellement elle était implantée: loin de la mer et en haut des falaises des anciens rivages, où se trouve le village d’Hatainville.

Ainsi, la commune des Moitiers d’Allonne, n’a pas aujourd’hui à faire face à cette érosion marine pour protéger les populations vivant au plus proche de la plage….

A la fin des années 80, la gestion des massifs dunaires protégés se limitait à la lutte systématique contre l’érosion en posant des ganivelles et des fascines, en plantant des oyats. Mais l’expérience nous montre qu’il est souvent difficile de s’opposer à l’appétit de la mer et que ces actions vont parfois à l’encontre de la biodiversité dunaire.

La vision du gestionnaire de sites naturels a alors évolué. Dans un espace naturel immense comme les dunes d’Hatainville, la rédaction du plan de gestion en 2006, allait dans le sens d’une nécessité de maintenir des dunes vivantes, et qu’au contraire de vouloir lutter systématiquement contre la nature qu’il était préférable d’accompagner ces évolutions. Et elles sont aujourd’hui de plus en plus marquées par l’évolution climatique. Ainsi, organiser et canaliser la fréquentation au niveau des principaux accès à la plage reste de rigueur, mais le choix assumé allait vers la non intervention sur les formes d’érosion sur le reste du massif dunaire. Il s’agissait d’assurer le maintien voire le ré-enclanchement de stades dynamiques nécessaires au renouvellement des habitats naturels…nos futures dépressions humides arrières dunaires.

En revanche sur des dunes protégeant l’urbanisation comme à Surtainville, nous continuons à mener des travaux de restauration et de confortement du cordon dunaire véritable rempart contre la mer.

C’est bien la dimension « sauvage » des dunes d’Hatainville qui nous a permis d’avoir cette approche et favoriser ce que l’on appelle aujourd’hui la libre évolution. Et aussi de nous rappeler le souvenir de la Mer de Sable du début du XXème siècle….

La grande brèche qui s’est formée au sud de l’accès à la plage en est une belle illustration. Ce choix de gestion suivi années après années est riche d’enseignements et nous montre que nos dunes à l’état naturel ont une capacité à s’adapter sans intervention humaine. Le déplacement et la réapparition des cordons de galets amortissent l’érosion, les paquets de varech transportés par les vagues puis recouverts de sable permettent la recolonisation par la végétation annuelle puis vivace pour permettre à nouveau l’élévation des dunes.

Suivie photographiquement depuis 2006, le secteur de la grande brèche est le choix assumé d’une évolution non contrariée par l’intervention humaine. Ramené à l’échelle du site, cette évolution a déjà eu lieu comme en témoigne le toponyme de la brèche de l’eau, une brèche formée dans le cordon dunaire au sud et aujourd’hui disparue qui a pu s’ensabler et subir le recul du trait de côte.

Depuis 2020, des campagnes de survol par drone du massif engagées par le SyMEL nous permettent également de suivre l’évolution du site et des formes d’érosion.

Alors dans ce formidable laboratoire grandeur nature, et dans cette logique de choix de gestion, les jeunes du Lycée agricole de Coutances sont venus en mars pour nous aider à réaliser une première tranche de travaux à l’accès à la plage que nous avons poursuivi avec nos stagiaires et les volontaires européens de l’association Avril. Nous avons aussi été aidés par trois artistes travaillant sur un projet artistique soutenu par différents organismes publics intitulé le « Déménagement du territoire » pour nous interroger sur notre rapport à l’évolution de l’occupation des rivages.

En parallèle des prestations de service, et en lien avec l’évolution de la fréquentation, l’entretien des chemins est toujours une nécessité constante. Alors avec nos jeunes volontaires des Pays Bas, République tchèque, Slovénie et du Portugal et de jeunes adultes de l’IME de Coutances nous avons procédé à la réfection des équipements d’accueil du public.

Nos zones humides qui elles aussi font face au changement climatique ont à nouveau fait l’objet de travaux de restauration et d’entretien avec le retour des étudiants en BTS Gestion protection de Sées. Les travaux de génie écologique par prestataire se sont également poursuivis et restent indispensables pour maitriser l’évolution de la dynamique végétale. Enfin, le premier chantier de bénévoles organisé avec la commune des Moitiers d’Allonne autour de la préservation de la biodiversité des zones humides le 11 décembre s’est déroulé dans la bonne humeur et fut une nouvelle action citoyenne et participative. Et nous retournerons ensemble découvrir au printemps prochain les trésors de biodiversité.

Des animations nature grand public ont été réalisées cet été et la découverte de la gestion du site naturel ont attiré des universités de Jussieu Paris VII, Caen et Rouen.

En 2022 nous procéderons donc à l’évaluation du plan de gestion du site pour dresser le bilan de 16 années d’actions de préservation collaboratives et nous poserons collectivement les bases des années à venir où chacun peut apporter son grain de sable à l’édifice de protection de nos dunes d’Hatainville qui sont sans aucuns doutes un hymne à la nature des dunes vivantes du Cotentin.

Yann MOUCHEL

Garde gestionnaire des sites naturels littoraux de la Côte des Isles

Antenne du SyMEL, phare de Carteret

02 33 52 06 99 - 06 32 64 71 89

yann.mouchel@manche.fr

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