En 2024 dans les dunes d’Hatainville.
Les commémorations liées au 80ème anniversaire du Débarquement nous ont remémoré un passé qui n’est pas si lointain. Durant la seconde guerre mondiale les dunes d’Hatainville étaient Interdites d’accès, encloses de barbelés, minées, surveillées et servant sur la partie sud de camp d’entrainement aux troupes allemandes. Aujourd’hui encore, on y découvre quelques vestiges de cette sombre période de l’histoire. Mais si la nature panse les plaies de la seconde guerre mondiale, j’avais entendu parlé, il y a bien des années d’un dénommé Henri Andritzki. «Prisonnier de guerre à la libération, et placé d’autorité dans des fermes, il n’a jamais voulu rentrer en Allemagne » à la fin de la guerre » nous a confié Joël Leblacher, que nous avons rencontré avec Jean Claude Mabire un midi en quête de ses souvenirs. « C’est ainsi qu’à 18 ans il fut employé dans la Ferme de Louis Quiedeville et d’Estelle Travers aux Moitiers d’Allonne, et il y restera toute sa vie comme ouvrier agricole ». Et à l’époque où Joël travaillait également dans cette ferme entre 1954 et 1958, il gardait avec lui les bêtes dans les dunes car Louis Quiedeville et ses associés, avaient acheté la mielle du nord et la mielle du sud. « C’était grand, et il fallait sans arrêt réparer les clôtures et transporter les poteaux, et c’est ce que nous faisions avec Henri en y allant en scooter Lambretta pour transporter le fil et les poteaux, et ainsi poser les premières clôtures électriques. ». Près d’une centaine de bêtes y pâturaient sans affouragement
Aujourd’hui, mielle du nord et du sud sont propriété du Conservatoire du Littoral depuis 1979, car les Dunes d’Hatainville auraient pu connaitre un autre destin signifiant un adieu aux vaches, crapauds calamite, milgreu et gentiane amère. Le maintien indispensable d’une activité agricole sur les dunes et l’entretien des clôtures demande toujours autant de soin. Il est à la charge des éleveurs locataires qui ont une convention avec l’établissement, mais peut se faire avec l’appui du garde dans une certaine mesure. Le renouvellement intégral des équipements relevant de l’investissement incombe au propriétaire. Clôtures et barrières sont malheureusement vieillissantes dans un contexte budgétaire compliqué.
En novembre 2024, sept personnes détenues à la maison d’arrêt de Coutances, trois encadrants du service pénitentiaire et deux de l’association AVRIL a prêté main forte au SyMEL pour le renouvellement de plusieurs centaines de mètres d’équipements. Depuis plusieurs années des détenus interviennent ici en renfort sous forme de chantier nature. L’objectif est double : donner un coup de main aux agents de terrain pour assurer l’entretien des sites naturels et « permettre aux détenus de se rendre utile au bien-être de l’environnement et de la société » comme le témoigne un détenu à l’issu de cette action réussie. Une opération gagnant-gagnant qui a fait désormais en 2024 l’objet d’une convention entre le SyMEL, et le SPIP de Coutances visant à inscrire et pérenniser ces opérations dans la durée.
En décembre, des travaux de restauration de barrière ont également été menés en décembre par une entreprise, ainsi que la maintenance des passages d’hommes en régie. D’importants travaux de dégagement de cyprès tombés avec la tempête Ciaran ont été pris en charge par le Conservatoire du Littoral après une première intervention d’urgence en début d’année au niveau des Fermes de Carteret. Débardés en bordure de voierie, ils vont être broyés en copeaux et iront alimenter les chaudières à bois déchiqueté
Comme tous les ans des travaux de débroussaillage de restauration écologique ont été menés sur l’ensemble du site avec comme nouveauté la création d’une bande pare-feu en limite des fermes de Carteret où l’agriculture a disparu depuis près de 50 ans sur cette partie du massif dunaire suite aux projets d’urbanisation de l’époque.
Côté Nature, la compréhension de l’évolution du massif dunaire et de ses habitats naturels est une préoccupation constante dans un contexte de changement climatique. Des suivis géomorphologiques, à l’aide d’un GPS centimétrique ont commencé à être mis en place en parallèle de l’observatoire photographique mené sur le site depuis près de 25 ans, et notamment sur l’évolution des zones d’érosion. Un relevé LIDAR du trait de côte a également été réalisé par INTECHMER partenaire du SyMEL.
L’année 2024 aura également était consacrée au basculement des suivis naturalistes (amphibiens, reptiles, orthoptères et lépidoptères, coléoptères aquatiques, gentiane amère) réalisés à Hatainville dans le projet Régional « Sentinelles du Climat » coordonné par le CPIE du Cotentin qui va nous permettre collectivement d’évaluer l’impact du changement climatique sur nos dunes. Une station météorologique va nous permettre de recueillir des données complémentaires au suivi des niveaux d’eau. C’est ainsi que l’étudiante en BTS Gestion et protection de la Nature à Auray (56) Louise Jaunait originaire des Moitiers d’Allonne a réalisé 4 semaines de stage sur le site. Sa mission était le renouvellement de la réalisation de la cartographie des espèces végétales remarquables des dunes d’Hatainville (2001, 2015 et 2024) en parallèle des autres suivis réalisés.
On sait que nos abeilles domestiques disparaissent mais qu’en est-il de nos abeilles sauvages dans les dunes ? Le Groupe Régional d’Etudes des Invertébrés du Massif Armoricain (GRETIA) a réalisé un inventaire durant la saison estivale avec un appui technique pour installer les pots pièges nécessaires à la détermination des espèces. Il y a de forts enjeux de conservation sur les communautés d’abeilles fréquentant les sables mobiles du massif dunaire. Une mission complémentaire sera réalisée en 2025 dans le cadre du projet pluri annuel Dunes Vivantes porté par le SyMEL sur les dunes de la Côte des Isles en lien avec le monde scientifique.
Enfin, la première fête de la Nature organisée par Dominique Lanu et son équipe de bénévoles aux Moitiers d’Allonne les 25 et 26 mai 2024 a été un beau succès et fut l’occasion de faire (re)découvrir au public la gestion conservatoire des dunes d’Hatainville qui décidément ne finiront pas de nous émerveiller.
YANN MOUCHEL